Avantage en nature véhicule : un durcissement du cadre probatoire ?
La mise à disposition d’un véhicule par l’employeur au bénéfice de ses salariés, lorsqu’elle inclut un usage privé, constitue un avantage en nature (AN) soumis à cotisations sociales, conformément à l’article L. 242-1, alinéa 1er du Code de la Sécurité sociale et à l’arrêté du 10 décembre 2002 (art. 3, al. 1er). Cette règle demeure applicable, y compris lorsque la fourniture du véhicule est réalisée par l’intermédiaire d’un tiers (BOSS-AN-30 ; Cass. 2e civ., 21 juin 2018, n° 17-21.652).
Une vigilance accrue sur la charge de la preuve.
Dans une récente décision du 9 janvier 2025 (Cass. 2e civ., n° 21-15.766 et 21-25.916), la Cour de cassation a opéré un revirement jurisprudentiel en renforçant l’exigence probatoire pesant sur l’employeur en matière d’AN véhicule.
Dans l’affaire en cause, une association mettait des véhicules à la disposition permanente des salariés d’une entreprise, à des fins professionnelles et personnelles, moyennant une cotisation annuelle versée par les salariés, tandis que l’employeur s’acquittait des factures émises par ladite association. L’Urssaf a néanmoins procédé à un redressement, considérant que :
- le coût de l’usage privé des véhicules n’était pas intégralement couvert par la cotisation salariale, rendant l’AN caractérisé ;
- l’employeur ne justifiait pas de la stricte utilisation professionnelle des véhicules par ses salariés ;
- les factures payées ne permettaient pas d’établir l’absence de prise en charge de frais personnels.
Un renversement de la charge de la preuve
La Cour de cassation a confirmé la position de l’Urssaf en précisant que
- L’Urssaf doit initialement établir la mise à disposition permanente du véhicule par l’employeur.
- Il appartient ensuite à l’employeur de démontrer que cette mise à disposition ne constitue pas un AN, y compris lorsque le véhicule est fourni par un tiers.
À cet effet, l’employeur doit prouver qu’il ne prend en charge que le coût des kilomètres strictement professionnels, et ce, par des éléments probants autres que de simples factures émanant du tiers.
Ainsi, faute de preuves suffisantes attestant que les sommes réglées ne couvraient que des frais professionnels, le redressement fondé sur une évaluation forfaitaire de l’AN a été jugé légitime.
Une inflexion par rapport aux précédentes décisions
Cette évolution jurisprudentielle s’éloigne des solutions antérieures, où la Cour de cassation avait pu considérer que la charge de la preuve incombait principalement à l’Urssaf (Cass. 2e civ., 11 mai 2023, n° 21-24.242 ; Cass. 2e civ., 9 décembre 2021, n° 20-14.050 ; Cass. 2e civ., 22 septembre 2022, n° 21-10.760).
Désormais, il incombe aux employeurs de mettre en place un suivi rigoureux et documenté des kilomètres professionnels de leurs salariés et de justifier, par tout moyen, de l’absence d’AN lié à l’utilisation privée des véhicules mis à disposition.
Recommandation : Dans un contexte de durcissement du contrôle par l’Urssaf, les entreprises ayant recours à des dispositifs similaires doivent impérativement anticiper la production d’éléments de preuve solides (carnet de bord détaillé, attestations circonstanciées, justificatifs précis) afin d’éviter un redressement.